Education civique à l’école – Avril 2009

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Chers collègues, Cher Alain-Gérard,

Le travail autour de ce rapport a donné lieu à des échanges passionnés et passionnants au sein de la section des affaires sociales.
L’éducation des enfants et des jeunes est un sujet qui passionne chacun.

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Je regrette que ce rapport donne l’impression que l’éducation civique a été choisi pour « résoudre des problèmes ». Il est écrit dans le rapport qu’il faut  « répondre à la dégradation des comportements scolaires qui se multiplient » ; « permettre de résister à l’influence des élèves les plus récalcitrants ». Il est aussi écrit qu’il faut « organiser des équipes d’aide dans tous les collèges pour les élèves les plus vulnérables et leurs familles ». Cette phrase se suffit en elle-même. Alors, pourquoi ajouter « afin de remédier aux problèmes de comportement et d’absentéisme » ? Il me semble que si l’éducation civique est considérée d’abord comme une réponse à des problèmes, elle porte d’emblée en elle les germes de sa faillite.

En effet, elle pourra sans doute pallier quelques problèmes liés au comportement de certains élèves ; par contre, il serait illusoire de penser qu’elle
peut compenser et résoudre les difficultés (qu’elles soient économiques, sociales, psychologiques ou autres ) qui sont souvent à l’origine de comportements, c’est vrai, inacceptables. L’éducation civique n’existe pas pour « répondre à des problèmes ». Elle a sa justification en elle-même, car elle est avant tout et positivement l’apprentissage de la vie ensemble. Et cela vaut pour tout élève sans aucune exception.

Deuxième commentaire

A différentes reprises, Monsieur le rapporteur, vous  dites qu’il faut faire comprendre aux élèves le lien entre les droits et les devoirs. Vous écrivez que l’éducation civique a « précisément pour objet de rappeler qu’à tout droit correspond un devoir, qu’il n’y a pas de liberté sans participation civique et respect de la loi, que la responsabilité est, autant que la sécurité, une condition de la liberté et que l’intérêt particulier doit s’incliner devant l’intérêt général ».

Comment, a priori, ne pas être en accord avec une telle formulation ?

L’ennui, c’est que celle-ci n’est que théorique pour une partie non négligeable de la population.

L’éducation civique, si elle veut être objective et respectueuse de chacun, doit aussi faire comprendre à tous les élèves qu’on ne peut pas vraiment faire face à ses devoirs – alors même qu’on le voudrait – quand on n’est pas respecté dans ses droits fondamentaux ; qu’on a bien du mal à faire montre de responsabilité quand on vit dans l’insécurité permanente ; quand on vit dans une famille et dans un milieu où sévit un chômage endémique ; quand on vit la relégation dans des cités ghettos, sous le contrôle permanent des services sociaux et de la police ; quand on s’entasse dans des logements surpeuplés et souvent insalubres ; quand on a fait partie des 120 000 enfants qui entrent en sixième sans maîtriser la lecture, l’écriture et le calcul et qu’on fait partie des 150 000 jeunes qui
sortent du cursus scolaire sans diplôme.

Faire comprendre cela aux enfants par l’éducation civique, c’est sensibiliser les uns aux difficultés rencontrées par certains de leurs camarades et c’est montrer à ceux-ci que leur situation n’est pas ignorée et qu’elle est considérée comme anormale. Ainsi, les uns et les autres seront préparés à distinguer non seulement le bien et le mal, ce que vous dites dans votre rapport, mais aussi le juste et l’injuste.

Troisième commentaire

S’il est indispensable, comme vous l’affirmez, Monsieur le Rapporteur, que l’éducation civique permette aux enfants de faire la distinction entre le bien et le mal, il est tout aussi indispensable qu’elle leur permette de faire la distinction entre ce qui est juste et injuste L’éducation civique sera tronquée si elle n’encourage pas les uns et les autres à devenir acteurs du bien et de la justice. Le vivre ensemble en dépend. Apprendre comment se comporter à l’égard d’un camarade de classe qui a plus de difficultés à apprendre, parce qu’il vit des choses difficiles, parce qu’il ressent très vivement des souffrances familiales, parce
qu’il a un handicap, n’est-ce pas acquérir un sens profond de la fraternité ? Ce sens qui lui permettra, une fois adulte, de trouver les façons de faire pour aider les autres, sans que cela soit humiliant. Un jeune qui, tout au long de sa scolarité aura développé une attention aux autres, aura appris à poser des actes pour refuser tout ce qui peut contribuer à exclure les plus faibles, sera sans doute tout à fait prêt, une fois adulte, à prendre des responsabilités dans la vie sociale, culturelle, économique, politique, spirituelle, et à les exercer avec un sens profond de la solidarité, refusant tout ce qui peut engendrer des comportements corporatistes, sectaires, voire xénophobes.

Je tiens à vous remercier, Monsieur le rapporteur, pour votre patience, votre écoute … et votre capacité à accepter les amendements ! Vous l’aurez compris Monsieur le rapporteur, je voterai votre rapport.

A propos mariealeth

Présidente du Mouvement ATD Quart Monde France
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