Publication Freinet

« Tous les parents ont quelque chose à apporter à l’école »

« Qu’au moins nos enfants sachent lire et écrire ! »

C’est par cette phrase qu’un père de famille qui vit la grande pauvreté au quotidien nous a exprimé ce qu’est pour lui « Une école de la réussite pour tous ».

Nous démarrions alors un travail avec des chercheurs, des enseignants, des acteurs de quartier, des parents solidaires (parents ne vivant pas dans la pauvreté et qui respectent la carte scolaire, ils sont solidaires de tous les autres parents) et des parents ayant l’expérience de la grande pauvreté sur une école de la réussite pour tous.

Ce travail consistait à travailler sur des auditions faites au CESE (Conseil économique social et environnemental – troisième assemblée de notre République, assemblée consultative où siège 233 conseillers représentants la société civile) en section éducation.

En effet représentante d’ATD Quart Monde au CESE, j’ai proposé à mes collègues de la section éducation (30 personnes issues de la société civile – syndicats, artisan, agriculteur, etc …) après avoir travaillé sur les inégalités à l’école et la loi de refondation de l’école de la République, de faire une sorte de point d’étape de cette loi en allant un peu partout en France à la rencontre des écoles et des collèges où la réussite de tous est déjà en marche.

Qu’est ce que la réussite de tous pour nous, pour ce travail ? C’est lorsqu’un élève arrive à la fin du collège, acquière le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et qu’il choisit son orientation.

Nous nous sommes donc lancés dans un travail de collecte, d’écoute, de rencontres de ces lieux et des enseignants, des chercheurs, inspecteurs, parents et élèves. Une façon de travailler toute nouvelle pour cet Avis du CESE ; d’une part Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale (ancien DGESCO) avait reçu mission de la ministre de travailler sur « Grande pauvreté et réussite scolaire » en lien étroit avec la rapporteure du CESE qui travaillerait sur Une école de la réussite pour tous. Ce que nous avons fait pendant un an : Jean-Paul Delahaye a siégé au CESE à la section éducation, je l’ai accompagné dans toutes ses auditions au ministère et dans 8 académies et ensemble nous avons présenté nos travaux le 12 Mai 2015 au CESE.

(http://www.lecese.fr/content/une-cole-de-la-r-ussite-pour-tous-s-ance-du-12-mai-2015)

Et puis le Président de la section éducation a accepté qu’en parallèle des travaux de cette section je puisse mettre en place un groupe nommé le « groupe Croisement » (en référence au Croisement des savoirs mis au point par ATD Quart Monde https://www.atd-quartmonde.fr/sengager/dans-votre-milieu-professionnel/croisementdessavoirs/) composé de 5 chercheurs, 5 enseignants, 5 acteurs de quartier, 5 parents solidaires et 10 parents qui ont l’expérience au quotidien de la grande pauvreté. Ce groupe a travaillé en Croisement des savoirs, donc par groupe de pairs pour chaque sujet, puis tous ensemble nous croisons nos savoirs en prenant le temps d’écouter et de comprendre chacun. Ce groupe est venu assister avec les conseillers du CESE à une journée d’audition à Mons en Baroeul pour entendre les enseignants (Freinet) d’une école, l’équipe de chercheurs de Lille 3 menée par Yves Reuter qui suit cette école depuis 10ans, et une expérimentation dans un quartier de Lille pour associer les parents à la réussite de leurs enfants. Puis ce groupe a travaillé sur les auditions faites en section au CESE (Chercheurs, Inspectrice générale V Bouysse, enseignants de l’élémentaire et de collège, élèves, parents d’élèves) lors de deux journées intenses afin de venir présenter 6 sujets aux conseillers du CESE.

Durant ces trois réunions au CESE, membres de la section éducation et membres du groupe Croisement, nous avons travaillé en croisant nos savoirs, nos expériences, nos pensées, nos réactions. A chacune de ces réunions, deux sujets étaient présentés par des membres du groupe Croisement aux membres de la section, puis nous avions un temps de réactions, d’échanges par petits groupes, enfin une écoute de tous les points de vue. Voici l’une des présentations parlant de la confiance à instaurer :

«Tous les parents, même les parents éloignés de l’école veulent la réussite de leurs enfants.  Tous les parents ont quelque chose à apporter à l’école.

Mais comment instaurer la confiance entre élèves, parents et enseignants ? Ça peut tenir à de petites choses, comme confier à chaque élève une responsabilité, donner le droit à l’erreur, laisser un peu le temps d’y arriver, écouter, … Bien sûr c’est dur pour les enseignants de faire confiance à tous les élèves, à tous les parents, parce que c’est prendre un risque auquel ils n’ont pas été formé. Mais c’est dur aussi pour les parents parce qu’ils peuvent avoir très peur. Au fond accepter ou même envisager de faire confiance à l’autre qu’il soit élève, parent ou enseignant c’est aussi à la fin gagner en confiance en soi, ce n’est pas un cercle infernal mais c’est plutôt un cercle vertueux. »

Ces travaux ne furent faciles ni pour le groupe Croisement ni pour la section. Il nous a fallu dépasser nos a priori, dépasser nos jugements trop hâtifs, accepter de changer nos méthodes de travail, de réflexion. Ainsi un collègue m’a partagé « On parle souvent de la pédagogie de la coopération, mais la pratiquer c’est autre chose ! »

Ces trois réunions de section avec le groupe Croisement ont fait émerger des propositions, des préconisations communes.

Ce travail a permis de réaliser à quel point les enfants de milieu très défavorisé sont trop souvent orientés dès le plus jeune âge vers des filières spécialisées, voir les filières du handicap, ne leur laissant que très peu de possibilités de développer leur intelligence à égalité des autres élèves.

Il ne s’agit pas d’accuser les enseignants ou les professionnels de l’orientation, il nous semble essentiel dans la suite de ce travail (que je continue de présenter partout en France http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2015/2015_13_ecole_reussite.pdf ) de comprendre pourquoi et comment les enfants de milieu très défavorisé peuvent réussir à l’école.

Il nous faut mesurer et comprendre l’échec causé par l’orientation vers les circuits de l’ASH qui ne permettent pas à ces enfants/jeunes de se construire un avenir à égale dignité des autres.

Pour cela nous auditionnons des professionnels, des parents, et avec nos partenaires de longue date (syndicats, mouvements pédagogiques, parents d’élèves), l’éducation nationale (rectorats de Créteil, Nancy et Rennes, et la DGESCO) et les parents qui vivent la grande pauvreté au quotidien ; nous allons travailler dans les mois à venir afin de mieux comprendre et nous le souhaitons enfin effacer cette fatalité de l’échec scolaire liée à la grande précarité.

Si vous souhaitez témoigner, participer à ces travaux, n’hésitez pas à nous contacter. alethgrard@gmail.com

Marie-Aleth Grard vice présidente ATD Quart Monde

Conseillère au CESE (Conseil économique social et environnemental) au nom d’ATD Quart Monde dans les sections éducation, culture, communication et Affaires sociales, santé.

Rapporteure de l’Avis « Une école de la réussite pour tous » au CESE en Mai 2015

http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2015/2015_13_ecole_reussite.pdf

 

 

 

 

 

A propos mariealeth

Présidente du Mouvement ATD Quart Monde France
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