Réduction de la pauvreté : le danger de l’écrémage

Réduction de la pauvreté : le danger de l’écrèmage

Pourquoi nous pensons que certains objectifs chiffrés sont contre-productifs.

Bruno Tardieu

Nous nous réjouissons du courage politique du gouvernement de vouloir se donner des objectifs mesurables dans la lutte contre la précarité et la misère. Mais la méthode annoncée relève d’une efficacité à courte vue, et inquiète profondément les populations très défavorisées. Martin Hirsch propose de commencer par “ la population charnière ”, celle qui est la moins pauvre parmi les pauvres. Ce type d’action ne pourra s’attaquer au « noyau dur » de la grande pauvreté vécue par nos concitoyens aux prises avec des précarités qui s’accumulent – trop faible formation scolaire, revenus impossibles, logement indigne, image de soi et des siens très abîmée…

Le choix de commencer par les moins pauvres parmi les pauvres est inacceptable d’un point de vue éthique. Accepterions-nous qu’il soit décidé par les pouvoirs publics de soigner prioritairement le tiers le moins atteint des malades du cancer, ou les personnes les moins blessées lors d’un accident de la route ? Quand on a aboli l’esclavage, c’était pour tous, pas seulement pour un tiers des esclaves ! Mais dans le domaine de la lutte contre la misère, à cause peut être d’un fatalisme ancestral, on se dit : “ c’est déjà ça ”. Continuer la lecture