Refonder l’école de la République : avec qui ?

Tribune publiée le 16 octobre 2012 dans le quotidien L’Humanité

En France, naître dans la pauvreté augmente les risques d’échouer à l’école. C’est une des plus grandes violences faite aux pauvres. Est-ce une fatalité ? Non. La plupart des pays développés font mieux que la France.

C’est pourquoi 12 organisations1 d’enseignants, de chefs d’établissement et de parents, y compris des parents vivant la grande précarité, ont travaillé toute l’année dernière pour aboutir à une plateforme citoyenne : « construire ensemble l’école de la réussite de tous2».

Ce travail a transformé les conflits entre les enseignants et les parents des milieux populaires, catastrophiques pour les enfants, en une alliance qui oblige le système à se questionner. La démarche3 a montré que les parents en situation de précarité sont des partenaires indispensables pour refonder l’école et permettre la réussite de tous les enfants. Continuer la lecture

Le « community organizing » et les très pauvres

Lors d’une rencontre « Pouvoir d’agir » le 16 mars 2012 à Vaulx-en-Velin sur le pouvoir d’agir citoyen, nous avons beaucoup travaillé sur un penseur américain, Saul Alinsky, qui a apporté aux États-Unis une manière d’agir qui consiste à ce que les gens s’unissent afin de se battre pour un problème commun. Il a réussi à ce que des gens d’ethnicités différentes luttent pour des problèmes communs et ne raisonnent pas uniquement en termes ethniques.

ATD Quart Monde s’est joint au collectif « Pouvoir d’Agir », invité par les centres sociaux avec qui on est partenaire dans le projet national « En associant leurs parents, tous les enfants peuvent réussir » qui concerne 23 quartiers. Pour vivre la démocratie, il faut que les gens se parlent, se rencontrent, réfléchissent ensemble, pas juste attendre tous les cinq ans pour mettre un bulletin de vote. Le collectif Pouvoir d’Agir a rédigé un appel puis un manifeste et il a organisé des journées de travail à Vaulx-en-Velin, où il y a eu beaucoup de monde. Le centre de ces journées était, autour de cet homme Saul Alinsky, ce qu’on appelle aux Etats-Unis le « community organizing ». Continuer la lecture

Réduction de la pauvreté : le danger de l’écrémage

Réduction de la pauvreté : le danger de l’écrèmage

Pourquoi nous pensons que certains objectifs chiffrés sont contre-productifs.

Bruno Tardieu

Nous nous réjouissons du courage politique du gouvernement de vouloir se donner des objectifs mesurables dans la lutte contre la précarité et la misère. Mais la méthode annoncée relève d’une efficacité à courte vue, et inquiète profondément les populations très défavorisées. Martin Hirsch propose de commencer par “ la population charnière ”, celle qui est la moins pauvre parmi les pauvres. Ce type d’action ne pourra s’attaquer au « noyau dur » de la grande pauvreté vécue par nos concitoyens aux prises avec des précarités qui s’accumulent – trop faible formation scolaire, revenus impossibles, logement indigne, image de soi et des siens très abîmée…

Le choix de commencer par les moins pauvres parmi les pauvres est inacceptable d’un point de vue éthique. Accepterions-nous qu’il soit décidé par les pouvoirs publics de soigner prioritairement le tiers le moins atteint des malades du cancer, ou les personnes les moins blessées lors d’un accident de la route ? Quand on a aboli l’esclavage, c’était pour tous, pas seulement pour un tiers des esclaves ! Mais dans le domaine de la lutte contre la misère, à cause peut être d’un fatalisme ancestral, on se dit : “ c’est déjà ça ”. Continuer la lecture