Ce texte est ma participation à l’ouvrage Tous fragiles, tous humains, publié par les éditions Albin Michel en 2011. Voir aussi http://fragilites-interdites.org
Pour comprendre la fragilité, il faut un engagement. Il faut cesser de vouloir être neutre, purement objectif. L’engagement, c’est l’implication, la passion ; c’est ce qui naît du mouvement intérieur, l’élan qui, s’il est durable, devient une fidélité, un attachement fort à une valeur, à des personnes ou à un groupe de personnes.
Une démarche nouvelle
Face au vieillissement, au handicap, aux souffrances psychiques ou à la grande pauvreté, nos sociétés occidentales modernes mesurent leur degré d’inhumanité. Quand notre civilisation occidentale a le sentiment de ne plus maîtriser et d’être devant l’incertain, elle ne sait pas comment faire, comment penser, comment être. Les personnes qui vivent ces situations extrêmes soulèvent chez chacun de nous un mouvement profond, entre rejet et besoin de comprendre et de se lier ; mais dans le même temps, elles sont traitées par notre culture et nos organisations comme des problèmes confiés à des spécialistes qui sont priés de les résoudre hors de notre vue. Erasme l’une des figures du nouvel humanisme de notre ère moderne fut aussi le premier à vouloir rationaliser la question de la misère en suggérant l’interdiction de la mendicité et du vagabondage, et la création de maisons de travail forcé. Les autorités de certaines villes d’Europe commencèrent à marquer au fer rouge les contrevenants et parfois même aussi ceux qui les hébergaient1. En se libérant de l’idée d’un monde entièrement expliqué par Dieu, les hommes – quelques hommes en fait – ont développé le vertige de la maîtrise : maîtrise des choses, de la nature et aussi des autres hommes, pouvant aller jusqu’à la destruction. Pouvons-nous dépasser ce rêve d’être maître de tout, et apprendre non plus à maîtriser mais à vivre avec la nature et avec les autres hommes ? Continuer la lecture →