L’emploi conçu comme un droit

Pourquoi le Mouvement ATD Quart Monde a-t-il choisi de lancer ce projet « L’emploi conçu comme un droit » ?

Parce que le chômage est considéré comme une fatalité et que le Mouvement ne cède jamais au sentiment de fatalité. Parce que les expériences ont montré que les gens considérés comme inemployables ne l’étaient pas. Nous l’avons expérimenté en particulier à TAE (Travailler et Apprendre Ensemble, projet pilote d’ATD Quart Monde) mais aussi dans d’autres lieux et dans l’histoire du Mouvement. Nous lançons aussi ce projet parce qu’un certain nombre de personnes se sont mobilisées autour de ce projet, personnes qui étaient vraiment motrices :on avait donc pas seulement l’idée mais aussi des porteurs de l’idée. Enfin, d’une manière assez lointaine, globale, on pensait qu’il ne fallait pas laisser la question du chômage en dehors des actions-recherche du Mouvement et il s’agissait d’innover. Continuer la lecture

Les pauvres ont-ils des droits ?

Conférence à la BNF 5 décembre 2013

Comprendre, agir, s’engager

Comment comprendre que la question « les pauvres ont-ils des droits ? » se pose encore, ici à la BNF, au pays des droits de l’homme, plus de 200 ans après la déclaration des droits de l’homme ?

Une explication classique est que les pauvres sont incapables d’exercer leurs droits, qu’ils sont moins que les autres hommes.

Cette explication est vieille comme le monde. Continuer la lecture

« De la participation au pouvoir d’agir : pouvoir penser ensemble », intervention au Congrès de la fédération des Centres Sociaux à Lyon le 22 juin 2013

Je suis très heureux d’être là. L’alliance entre les centres sociaux et ATD Quart Monde est incontournable. Vous m’avez demandé de développer la question du pouvoir d’analyser des personnes en situation d’exclusion. C’est essentiel. Continuer la lecture

Comprendre les mécanismes de l’exclusion avec ceux qui la vivent

Voici la tribune publiée dans le quotidien La Croix du 5 mars 2013, que j’ai cosignée avec Bruno Lachnitt, directeur de la Mission régionale d’information sur l’exclusion Rhône-Alpes (MRIE), Olivier Noblecourt, adjoint au maire de Grenoble, chargé de l’action sociale et familiale, vice-président du CCAS de Grenoble, et Philippe Warin, directeur de recherche CNRS, de l’Odenore (Observatoire du non-recours aux services et aux droits).

Le droit au logement opposable (Dalo) permet à tout ménage privé d’un logement décent d’obtenir un relogement si sa demande est jugée recevable. Pourtant, 10 % des ménages ayant reçu une offre de relogement dans ce cadre la refusent. Aberrant ? Un million et demi de travailleurs pauvres ont droit à un complément social de l’ordre de 120 € en moyenne par mois (le « RSA activité »). Continuer la lecture

Faire reculer la stigmatisation sociale pour faire reculer le non-recours aux droits

Voici ma note pour le groupe de travail « Accès aux droits et services essentiels – minima sociaux » auquel j’ai participé dans le cadre de la préparation de la conférence nationale sur la lutte contre la pauvreté des 10 et 11 décembre 2012. Ce groupe s’est beaucoup préoccupé de la question du non recours aux droits. Je propose ici une analyse et une action contre le non recours.

Une cause du non recours : la stigmatisation sociale
Pour la faire reculer : prohiber la discrimination pour origine sociale
Bruno Tardieu ATD Quart Monde  30 octobre 2012

Le constat
Dans son discours au CNLE pour lancer les travaux de la conférence nationale pour la lutte contre la pauvreté le 20 septembre dernier, le Premier Ministre déclarait :
« Des discours de stigmatisation ont été parfois prononcés, associant les publics vulnérables à des assistés, ayant abandonné toute idée de s’en sortir, à des profiteurs parfois vivant sans effort au crochet de la société. »
Le Mouvement ATD Quart Monde a toujours promu la lutte contre la pauvreté par la promotion du droit de tous pour tous. Il fait aujourd’hui le constat que certains de ces droits sont entravés par l’augmentation de la stigmatisation des personnes en situation de pauvreté au cours de la dernière décennie. Cette stigmatisation entrave dangereusement les efforts des associations et des pouvoirs publics pour que les personnes en situation de grande pauvreté osent sortir de la honte et se considèrent comme des citoyens à part entière ayant des droits et des responsabilités. Continuer la lecture

Au 13h de France-Inter le 26 octobre 2012

Dix jours après la Journée mondiale du refus de la misère, j’ai été invité pendant une douzaine de minutes au journal de 13 heures sur France-Inter pour répondre aux auditeurs qui avaient manifesté ce jour-là des messages de soutien et d’entraide. L’extrait audio ci-dessous contient un nouveau reportage que la chaîne a effectué avec ATD Quart Monde dans le nord de la France, et mes réponses aux questions des journalistes.

Écoutez et/ou téléchargez l’extrait du journal de 13h du 26 octobre 2012

Refonder l’école de la République : avec qui ?

Tribune publiée le 16 octobre 2012 dans le quotidien L’Humanité

En France, naître dans la pauvreté augmente les risques d’échouer à l’école. C’est une des plus grandes violences faite aux pauvres. Est-ce une fatalité ? Non. La plupart des pays développés font mieux que la France.

C’est pourquoi 12 organisations1 d’enseignants, de chefs d’établissement et de parents, y compris des parents vivant la grande précarité, ont travaillé toute l’année dernière pour aboutir à une plateforme citoyenne : « construire ensemble l’école de la réussite de tous2».

Ce travail a transformé les conflits entre les enseignants et les parents des milieux populaires, catastrophiques pour les enfants, en une alliance qui oblige le système à se questionner. La démarche3 a montré que les parents en situation de précarité sont des partenaires indispensables pour refonder l’école et permettre la réussite de tous les enfants. Continuer la lecture

Du penser pour l’autre, au penser avec l’autre

Ce texte est ma participation à l’ouvrage Tous fragiles, tous humains, publié par les éditions Albin Michel en 2011. Voir aussi http://fragilites-interdites.org

Pour comprendre la fragilité, il faut un engagement. Il faut cesser de vouloir être neutre, purement objectif. L’engagement, c’est l’implication, la passion ; c’est ce qui naît du mouvement intérieur, l’élan qui, s’il est durable, devient une fidélité, un attachement fort à une valeur, à des personnes ou à un groupe de personnes.

Une démarche nouvelle

Face au vieillissement, au handicap, aux souffrances psychiques ou à la grande pauvreté, nos sociétés occidentales modernes mesurent leur degré d’inhumanité. Quand notre civilisation occidentale a le sentiment de ne plus maîtriser et d’être devant l’incertain, elle ne sait pas comment faire, comment penser, comment être. Les personnes qui vivent ces situations extrêmes soulèvent chez chacun de nous un mouvement profond, entre rejet et besoin de comprendre et de se lier ; mais dans le même temps, elles sont traitées par notre culture et nos organisations comme des problèmes confiés à des spécialistes qui sont priés de les résoudre hors de notre vue. Erasme l’une des figures du nouvel humanisme de notre ère moderne fut aussi le premier à vouloir rationaliser la question de la misère en suggérant l’interdiction de la mendicité et du vagabondage, et la création de maisons de travail forcé. Les autorités de certaines villes d’Europe commencèrent à marquer au fer rouge les contrevenants et parfois même aussi ceux qui les hébergaient1. En se libérant de l’idée d’un monde entièrement expliqué par Dieu, les hommes – quelques hommes en fait – ont développé le vertige de la maîtrise : maîtrise des choses, de la nature et aussi des autres hommes, pouvant aller jusqu’à la destruction. Pouvons-nous dépasser ce rêve d’être maître de tout, et apprendre non plus à maîtriser mais à vivre avec la nature et avec les autres hommes ? Continuer la lecture

Le gouvernement doit introduire le « racisme anti-pauvre » dans la loi

Voici la tribune que j’ai publiée sur www.rue89.com le 20 septembre 2012.

« Quand je vais à la mairie toute seule pour demander un logement, on me traite mal. Si j’y vais avec quelqu’un d’ATD Quart Monde, on me traite bien, il y a un truc quand même », expliquait Gaetane Lanciaux lors de l’audition d’ATD Quart Monde par le Comité consultatif de la Halde [Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité], en septembre 2010.

A la suite de cette audition, la Halde, avant de passer le relais au Défenseur des droits, a « recommandé au gouvernement de mener une réflexion sur l’intégration du critère de l’origine sociale dans la liste des critères prohibés et sur les modalités de prise en compte des préjugés et stéréotypes dont souffrent les personnes en situation précaire ». Il appartient donc désormais au gouvernement de prendre position sur cette question. Continuer la lecture